Le processus montre la voie

May 7, 2023
Nour17

Par Catherine Lefebvre

Tout s’écoule, tout est en perpétuel mouvement
Copenhague, le 9 mai 2022

Nour Fog m’a donné rendez-vous à son atelier de la rue Nørre Søgade, en plein centre de Copenhague.

Nous nous sommes parlé en amont de cette rencontre, et je me réjouis à présent de rendre visite à l’artiste et de poursuivre nos échanges sur l’exposition qui lui sera consacrée à Paris et qui s’ouvrira dans exactement un an.

La pensée du philosophe grec Héraclite est exprimée en phrases courtes, en aphorismes. Un « format » qui m’intéresse au moment d’engager une conversation avec un.e artiste prêt.e à exposer ses œuvres : Quelles sont vos intentions ? Comment procédez-vous ? Quel sens donnez-vous à vos œuvres ? Quelle expérience offrez-vous aux spectateurs ?

Nour Fog m’accueille dans son atelier en sous-sol. Je suis immédiatement frappée par la sérénité et la générosité qui émanent d’iel. Les prototypes de sculptures en céramique s’alignent devant moi, tous plus magnifiques les uns que les autres, appelant leur public. Nous nous asseyons, et Nour sert le café dans des tasses de sa création. Par où commencer ?

C’est une histoire de liquide, d’eau. L’élément liquide est partout. Des bulles se forment dans l’élément liquide, la vie naît dans l'élément liquide. De nouvelles bulles illustrent la vie, l'élément liquide le plus magnifique, celui donnant la vie, neuf mois dans le liquide amniotique.

« Je pense en termes de bulles », explique Nour Fog. « L’argile est composée à 50 % d’eau et je travaille beaucoup sur des thèmes liés à l’eau. Par exemple, j’ai exposé dans une ancienne station d’épuration des eaux et réalisé une figure de proue de bateau ». La bulle n’est pas à mettre en lien direct avec le Covid : il ne s’agit pas d’une bulle Covid ou d’œuvres Covid, mais après la pandémie, les œuvres de Fog sont devenues plus personnelles, elles ont plus de cœur, selon les propres dires de l’artiste.

« Louise Bourgeois est pour moi une grande source d’inspiration », poursuit Nour. En effet. Ses créations s'inscrivent en droite ligne de l'œuvre de Louise Bourgeois, en particulier pour ce qui est de sa pratique sculpturale, des thématiques abordées et des réactions suscitées. Nour Fog s'y reconnaît. Ce « lien à la France » pourrait-il s’ouvrir et contribuer à construire le lien à la scène artistique française sur laquelle Nour s’apprête à entrer en mai 2023 ? Cette pensée concernant Paris nous traverse tous.tes les deux, précisément dans cette conjonction de Nour Fog et de Louise Bourgeois.

L'image de Paris intéresse Nour Fog, mais non l'image idéalisée de papier glacé. Il s'agit d'autre chose. Tout juste de retour de Paris, Nour travaille à synthétiser les impressions reçues de la capitale française. « L’exposition se déclinera en glaçures aux reflets métallisés, en argile noire, en câbles métalliques et en textiles transparents », déclare Nour. Aucune hésitation, malgré le perpétuel mouvement héraclitéen.

Héraclite (580 – 540 av. J.-C) cherchait à expliquer la cohésion interne du monde. Il aurait déclaré que « tout s’écoule ». Autrement dit, le monde est en constante évolution, en perpétuel mouvement, tout comme l’eau qui s’écoule où elle le veut en reliant le monde. C’est ainsi que l’ordre se fait.

L’eau. L’argile.